Un soir à bord

Ô soir charmant ! La nuit aux voix mystérieuses
Nous caressait tous trois de ses molles clartés ;
Et nous contemplions, moi rêveur, vous rieuses,
De la lune et des flots les magiques beautés.

Le steamer qu’emportait la roue au vol sonore,
Éparpillait au loin, sur le fleuve écumeux,
Des gerbes de lumière et des lueurs d’aurore,
Qui s’éteignaient bientôt dans le lointain brumeux.

L’horizon se tordait en silhouette étrange ;
Et, sondant de la nuit les vagues profondeurs,
Nous regardions passer, comme un décor qui change,
La rive déroulant ses mobiles splendeurs.

Oh ! comme il faisait bon ! Nous causions, gais, frivoles ;
Vos rires éclataient comme des chants d’oiseaux ;
Et, quand nous nous taisions, de joyeuses paroles
Arrivaient jusqu’à nous avec le bruit des eaux.

Tout à coup, une voix fraîche, mélodieuse,
Fit flotter dans la nuit son timbre plein d’émoi...
Oh ! qui dira jamais l’extase radieuse
Dont nous fûmes bercés, ce soir-là, vous et moi !

Vous en souviendrez-vous ? Hélas ! vos jours de rose
Laissent bien peu de place aux regrets superflus...
Mais moi, de cette nuit je garde quelque chose ;
Car j’emporte en mon cœur un souvenir de plus.


Louis-Honoré Fréchette - - Épaves poétiques


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