Dédicace

Maître très cher, s'il vous plaît, 
Écoutez ma patenôtre. 
Voici ma « Payse » : elle est 
Bien peu digne de la vôtre.
 
Celle que chantaient vos vers 
Eut les forêts pour marraines 
Et gardait dans ses yeux verts 
La fraîcheur des eaux lorraines.
 
Ce qu'en elle nous aimons, 
C'est la sœur et c'est l´amie : 
Au milieu des goémons 
La mienne s´est endormie.
 
Je me suis longtemps penché 
Sur son tragique visage : 
L'aile noire du péché 
L'avait frôlée au passage.
 
Et mes yeux, mes tristes yeux, 
Retrouvaient dans sa prunelle 
La muette horreur des lieux 
Que baigne une ombre éternelle.
 
C'est une âme d´occident, 
Farouche, intraitable et prompte. 
Considérez cependant 
Qu'elle est morte de sa honte.
 
Elle est morte au temps d'avril... 
Vous oublierez tout le reste, 
Maître aimé chantre viril 
De la forte vie agreste,
 
Et vos doigts levés feront, 
Quand tout espoir l'abandonne, 
Indulgemment, sur son front, 
Le doux signe qui pardonne.

Charles Le Goffic - - Le Bois dormant


Votes

- -

Commentaires